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Courrier au maire de la Seauve-sur-Semène [barrage des Plats]

Encore une fois, l’argumentaire n’est que bon sens…

Retranscription :
Monsieur le maire ;
Monsieur le président,

bonjour ;
Le WWF-France, membre du Collectif Loire Amont Vivante qui travaille depuis une dizaine d’années pour sensibiliser l’opinion sur la nécessité de restaurer les rivières dans la Loire travaille également pour protéger les ultimes joyaux dans un département qui a massivement aménagé ses cours d’eau au fil de son histoire industrielle. Avec les autres ONG, avec des collectivités, avec des entreprises, nous travaillons par ailleurs pour faire émerger des pratiques durables en matière de gestion de la ressource en eau. Nous avons en particulier soutenu, depuis 1986, la campagne Loire Vivante, qui a permis d’éviter un programme d’aménagement lourd inutile sur le fleuve Loire, « dernier fleuve sauvage d’Europe » pour le remplacer par un plan pilote à l’échelle internationale, le Plan Loire Grandeur Nature.

Nous accompagnons, depuis 1994 et avec d’autres ONG ce plan, remarquable en termes d’innovations, tant pour une gestion moderne du risque naturel d’inondations que dans le domaine de la restauration de la biodiversité ou encore celui de la gestion qualitative de l’eau, visant à économiser cette ressource précieuse. Vous êtes président du Contrat de Rivière Semène, qui a pour objectif de poursuivre, parmi d’autres objectifs, la restauration de la qualité de l’eau de cette rivière remarquable, sans doute la plus belle des départements de la Loire et de la Haute-Loire. Ce contrat de rivière, qui mobilise 8,3 millions d’euros d’argent public sur 5 ans, constitue un signal fort adressé aux acteurs sur l’intérêt de restauration et de conservation d’un écosystème
d’eau douce remarquable par sa biodiversité, avec encore une petite population de Moules perlières par exemple. Nous vous félicitons pour cet engagement, qui témoigne d’un intérêt enfin grandissant pour la mise en valeur du « capital aquatique » de nos territoires.

Vous n’ignorez pas par ailleurs qu’a été lancé, sur la même rivière, dans des conditions étonnantes puisque l’ensemble des avis techniques des services de l’Etat ou des collectivités ont été négatifs, un projet de reconstruction d’un ouvrage hydraulique du siècle dernier, le barrage des Plats, dont l’utilité n’est absolument pas avérée. En effet, depuis son percement en 2006, il n’y a eu aucun problème d’approvisionnement pour les communes du plateau regroupées dans le Syndicat des Eaux de la Semène ni pour celles du Syndicat des barrages, pour la partie qui touche au département de la Loire. Une alternative est déjà en place, celle de la conduite entre le grand barrage de Lavalette, dans le département de la Haute-Loire et l’agglomération stéphanoise, sous exploitée aujourd’hui et, ce qui est très important, particulièrement sécurisée. Il existe d’autre part deux possibilités de sécuriser les ressources en eau potable des communes à partir de la Loire, qui coûteraient nettement moins cher qu’un ouvrage de 6,2 millions d’euros, payé pour une partie dominante par des fonds publics, en cette période de crise économique qui ne vous a pas échappé.

Vous reconnaitrez sans peine le paradoxe : investir 8,3 millions d’euros pour restaurer une rivière qui prend sa source dans le Parc Régional du Pilat, sur une des rares rivières du Massif Central abritant une population relictuelle de Moules perlières et, de l’autre, dépenser 6,2 millions d’euros, auxquels il faut ajouter 4 millions d’euros pour moderniser et mettre aux normes l’usine de potabilisation du Syndicat des eaux de la Semène, pour abîmer cette rivière, appauvrir son capital en biodiversité remarquable, construire une énième retenue par ailleurs complètement injustifiée. Nous sommes d’autant plus surpris de cette contradiction que, à partir de la restauration de la qualité écologique, paysagère, patrimoniale de la Semène, il y a sans doute la possibilité de la faire entrer à terme dans le « Réseau de Rivières Sauvages » que nous construisons, avec divers partenaires, avec le soutien du Ministère de l’Ecologie, de l’Onema, de l’Agence de l’Eau Rhône Méditerranée et Corse et de nombreuses collectivités territoriales depuis quelques années, pour montrer que les rivières en excellent état écologique peuvent créer de la valeur, notamment à travers leurs services écosystémiques encore fonctionnels.

Le WWF-France et la dizaine d’associations locales qui composent le Collectif Loire Amont Vivante, (Fédérations de Pêche de la Loire et de la Haute-Loire, Frapna, CDAFAL, d’autres) demandent depuis plusieurs années un moratoire sur ce projet, pour affiner le coût des alternatives, de leur mise en œuvre autour d’ une politique publique de mutualisation de la ressource qui est celle préconisée par les Agences de l’Eau, par tous les organismes techniques qui s’occupent de gestion de la ressource en eau, dans l’optique d’une gestion plus qualitative et incluse dans la stratégie d’adaptation aux changements climatiques que met en place notre pays.

Nous avons le plaisir de vous transmettre quelques documents sur notre travail et sommes à votre disposition pour une rencontre.
Avec notre respect,

Martin Arnould / Alain Bonard / Antoine Lardon
WWF-France / Frapna Loire / Fédération de Pêche de Haute-Loire

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