Skip to main content

Faire de Grangent, barrage poubelle, un modèle pour l’avenir

Par 11 janvier 2010actualités

Une belle interview de Martin Arnould publiée le 11.01.2009 dans le Progrès que nous relayons ici :
martin-grangeantMartin Arnould est l’un des grands spécialistes français des fleuves et des barrages. Chargé du programme Rivière vivantes au WWF, il tire la sonnette d’alarme : « Le monde a changé : la nature craque de partout »

La Loire est parmi les grands fleuves européens, celui qui est le moins perturbé de tous. Pourtant, la portion qui traverse notre département est fortement dégradée. Pourquoi ?

La Loire dans le département a été massivement aménagée au cours du XXe siècle, avec la construction de deux grands barrages, Grangent et Villerest, des extractions massives de granulats entre 1950 et les années soixante-dix, pour ne parler que du cours principal du fleuve. La conséquence la plus visible est un enfoncement et une coupure du lit importants, qui conduisent à un mauvais fonctionnement du fleuve, avec une réelle pauvreté biologique et, sur une partie du fleuve aussi artificialisée, des problèmes de pollution plus difficiles à résoudre.

Le problème de la Loire, c’est Grangent. Pourquoi ?

Le WWF n’est pas contre les barrages. Ils sont indispensables dans nos sociétés industrielles, assurant les besoins en eau ou produisant une énergie renouvelable dont nous avons besoin. Simplement, nous savons que ces ouvrages ont des inconvénients majeurs. Ils portent des atteintes considérables aux écosystèmes, en bloquant les sédiments, aggravant les pollutions, appauvrissant la biodiversité, induisant des gaspillages d’eau colossaux, par exemple avec l’agriculture industrielle irriguée. Aujourd’hui, on sait que Grangent stocke 4 ou 5 millions de m3 de boues, dont une partie toxique. C’est si préoccupant qu’on n’ose plus le vidanger.

Vous montrez du doigt l’État, les collectivités, les élus…

En 1999, nous avons créé avec la Frapna, les pêcheurs et d’autres, le Collectif Loire Amont Vivante, qui regroupe trente ONG. Qu’a fait l’État pendant ce temps ? Il a dissous en 2001 la Commission Locale d’Information et de Concertation de Grangent, le seul espace de concertation qui existait. Depuis, le Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux Loire s’est mis en place. Nous avons pourtant régulièrement sollicité l’État pour renouer un dialogue. Sans réponse.

Aujourd’hui, vous demandez la vidange totale de Grangent.

Il faut prendre le taureau par les cornes. Il faut enfin traiter, à fond, la question de l’avenir de Grangent. Nous ne demandons pas sa suppression, mais qu’on fasse tout ce qu’il est possible de faire pour améliorer sa gestion, le rendre « transparent », pour les sédiments, pour les poissons migrateurs. À terme, dans longtemps, pourquoi ne pas enfin revoir le saumon au Puy-en-Velay ? Il est donc nécessaire d’envisager la vidange totale, de construire les scénarii, les approches économiques, pour faire de ce « barrage poubelle » un modèle pour l’avenir.

Alors, comment faire avancer Grangent ?

Notre niveau d’ambition est élevé : nous voulons que toutes les options soient étudiées en profondeur. Nous demandons que la question des sédiments ne soit pas transmise de préfet en préfet et donc à nos enfants jusqu’à la fin de la concession, en 2027, voire la fin des temps ! Cela dure depuis 42 ans et maintenant, ça suffit…

Pourtant, vous affirmez que la Loire est un joyau à l’échelle de l’Europe…

Ce n’est pas contradictoire et cela montre l’état dans lequel se trouvent les autres grands fleuves d’Europe ! La Loire et son bassin ont conservé un équilibre naturel partiellement intact, avec encore des crues impressionnantes, nécessaires à la vie des fleuves et des étiages. Le débit n’est pas complètement régulé, heureusement. Il n’y a qu’une trentaine de grands barrages sur le bassin et, ce qui est rare, seulement trois grands barrages entre l’estuaire et les sources de la Loire. Plus exceptionnel encore, il n’y a qu’un seul grand barrage entre l’estuaire et les sources de l’Allier, celui de Poutès, pas loin d’ici, dont ONG et scientifiques réclament l’effacement pour aider à sauver le saumon sauvage. D’ailleurs, le saumon de longue migration, encore présent sur la Loire, est un des signaux de cette « qualité sauvage » du fleuve.

Frédéric Paillas

Lire la suite sur le site du Progrès…