Une lettre de notre cher Antoine Lardon envoyée au Ministère de l’Ecologie le 8 Septembre 2009 :
« Madame la Ministre,
Le préfet de la Loire a annoncé la semaine dernière que l’Etat avait pris la décision il y a 13 mois de reconstruire le barrage des Plats, cette décision est pour le moins surprenante pour les personnes qui se sont impliquées dans l’élaboration du projet de contrat de rivière Semène. En effet nous avons été obligé de prévoir deux hypothèses dans notre dossier de candidature car ce barrage aura des impacts sur les aspects qualitatifs et quantitatifs de la ressource en eau du bassin. Nous avons retenu ces deux scénarios car ni les échelons décentralisés de l’Etat, ni les élus, ni la ville de Firminy, qui siège dans le collège des usagers n’ont affirmé que la décision était arrêtée.
Le barrage des Plats sur la rivière Semène, appartient à la ville de Firminy, il n’est plus utilisé depuis le 30 septembre 2005. Le 27 janvier le préfet de la Loire décide de le sécuriser par le percement d’un pertuis car il existait un risque de rupture du mur. Ce barrage est donc inopérant depuis bientôt quatre ans, ce qui relativise l’importance qui lui est accordé.
A l’origine la construction de cet ouvrage avait été prise dans l’hypothèse d’un important développement humain et industriel de la ville de Firminy. Le développement démographique et les besoins en eau de l’industrie n’ont pas été à la hauteur escomptée, la destination initiale s’est transformée en fourniture d’eau brute au Syndicat des Eaux de la Semène (SES). La traduction de cette évolution apparaît dans le contrat entre la ville de Firminy et le SES par une répartition de l’autorisation de prélèvement de 45 litres par seconde en 40 litres pour le SES et 5 litres pour la ville de Firminy.
Il faut noter que la ville de Firminy n’a jamais utilisé cette possibilité sauf en 2003. Cette sous utilisation de la conduite forcée reliant le barrage des Plats au barrage de l’Echapre a eu comme conséquence de rendre cette conduite inutilisable. Ceci a été vérifié en 2003 car c’est par l’ouverture d’une vanne du brise charge situé au lieu dit « La Chaize » sur la commune de Saint Just-Malmont que le débit de l’Echapre a été soutenu ce qui a eu un très fort impact sur la morphologie du ruisseau.
La reconstruction de ce barrage est justifiée, pour assurer l’alimentation en haut de quatre communes de la vallée de l’Ondaine et des neuf communes desservies par le SES, actuellement alimentées en eau brute par un piquage sur l’aqueduc des eaux du Lignon au Chambon-Feugerolles.
Il me semble utile de préciser et d’examiner les solutions alternatives pour les deux groupes de communes.
Pour la vallée de l’Ondaine, actuellement le barrage de l’Echapre (870 000 m3) alimente Firminy, Fraisses, Unieux et St Paul en Cornillon ; le barrage de Cotatay (790 000 m3) alimente La Ricamarie et le Chambon-Feugerolles. Un autre barrage celui de l’Ondenon (400 000 m3) utilisé jusqu’à une époque récente par La Ricamarie a été vidangé et remis en eau. Cette eau de très bonne qualité est facilement réutilisable pour la production d’eau potable. Ces trois retenues plus l’existence de l’aqueduc du Lignon alimentant la région stéphanoise assure l’alimentation et la sécurisation par ces deux ressources. Cette solution a un coût économique et écologique bien plus faible que la reconstruction d’un mur de barrage.
Pour les neuf communes actuellement desservies par le SES, le raccordement actuel sur la conduite du Lignon assure sans problème l’alimentation depuis septembre 2005. Pour ce qui est de la sécurisation de l’approvisionnement, elle peut être assurée par l’existence de la nouvelle ressource crée par Monistrol sur Loire par un captage sur le fleuve Loire à Confolent par une interconnexion totale ou partielle des réseaux.
Après les solutions techniques et économiques il me semble utile de revenir sur les enjeux écologiques de la Semène et de son bassin versant.
La rivière Semène est découpée en deux masses d’eau qualifiée en bon état écologique. Elle abrite des truites fario, des écrevisses à pieds blancs, des moules perlières, les loutres ont colonisés ce bassin versant de 155 km2. Pour ces raisons la DIREN et l’ONEMA dans le cadre du futur classement ont prévu d’inscrire la Semène comme réservoir biologique. Elle est actuellement classée au titre des poissons migrateurs.
A la demande du Syndicat Intercommunal d’Aménagement de la Loire et ses Affluents (SICALA) des pêches d’inventaire ont été réalisées depuis 2005 par les Fédérations départementales de Pêche de la Loire et de la Haute-Loire pour mesurer l’impact de la vidange du barrage des Plats. Elles constituent un révélateur intéressant de l’impact du barrage sur le milieu aquatique en aval. Voici les chiffres sur la truite fario à la station de Vial sur la commune de Saint Victor-Malescours :
2005 : densité de 3389 TRF/h biomasse de 92 kg/h
2006 : densité de 4170 TRF/h biomasse de 122 kg/h
2007 : densité de 4567 TRF/h biomasse de 92 kg/h
2008 : densité de 5037 TRF/h biomasse de 144 kg/h
2009 : densité de 6047 TRF/H biomasse de 165 kg/h
En ce qui concerne la qualité de l’eau, les études physico-chimiques et hydro biologiques réalisées par le CSP en 1995 et de l’étude réalisée par le cabinet CEZAME en 2007-2008 dans le cadre du dossier de candidature au contrat de rivière, traduisent également une amélioration nette de l’hydro système depuis l’abandon du barrage. Nous pouvons comparer les IBGN sur quelques stations reprises dans les deux études voici les indices :
La Digonnière 1 km de la source IBGN 1995 : 15 IBGN 2008 : 16
Les Gauds 12 km de la source IBGN 1995 : 6 IBGN 2008 : 15
Croquet 18 km de la source IBGN 1995 : 16 IBGN 2008 : 16
Faridouay 21 km de la source IBGN 1995 : 15 IBGN 2008 : 18
La Valette 30 km de la source IBGN 1995 : 18 IBGN 2008 : 19
Le Bouchet 33 km de la source IBGN 1995 : 11 IBGN 2008 : 17
Le Crouzet 35 km de la source IBGN 1995 : 14 IBGN 2008 : 17
Ce barrage situé à 9 kilomètres de la source avec un bassin versant de 31 km2 ne peut être utilisé pour fournir plus d’eau qu’avant son percement. La prégnance des impacts sera-t-elle qu’elle mettra en cause la DCE 2015 car la qualité des masses d’eau ne sera pas maintenue à son niveau actuel.
Le régime hydraulique de la Semène est soumis à des étiages importants, le débit minimum biologique au pieds du barrage peut être évalué à 75 litres par seconde alors que le 1/10ème du module est de 35 ou 50 litres suivant les calculs et les sources. La vie aquatique de ce cours d’eau ne peut être assurée que si ce débit est garanti, ce qui est très contraignant pour les prélèvements envisagés par le propriétaire.
Pour illustrer la problématique ci-dessus voici quelques données sur les débits moyens journaliers de l’été 2009.
Le 24 août ce débit était de 62 litres par seconde à la station DIREN du Crouzet 26 kilomètres en aval du barrage sur un bassin versant de 134 km2.
En juillet 2009 le débit moyen journalier était inférieur à l’étiage quinquennal pendant 11 jours et pour le mois d’août c’était 24 jours.
Je me permet de rappeler une partie des propos de Madame Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET en réponse à une question écrite de Monsieur CINIERI député de la Loire début octobre 2007 : « On pourrait donc envisager de faire l’économie de la réhabilitation du barrage des Plats et redonner à la rivière Semène la qualité écologique qu’elle avait avant la construction de ce barrage, ce qui contribuerait à atteindre les objectifs de la directive cadre sur l’eau. »
En tant que président de la Fédération de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique de la Haute-Loire, je vous demande de ne pas prendre une décision qui conduirait inéluctablement à une dégradation de l’état de cette rivière nous interdisant de facto de remplir nos missions données par la LEMA. Les alternatives proposées à la reconstruction de ce barrage sont sérieuses et méritent d’être étudiées.
Si les orientations présentées à certains élus sont confirmées, nous organiserons une campagne médiatique dénonçant que malgré des propos « grenelliens », les décisions ne tiennent toujours pas compte du volet environnemental.
J’espère une réponse à ce courrier, je reste à votre entière disposition et à celle de vos collaborateurs, pour toutes demandes ou sollicitations. Je vous présente, Madame la Ministre l’expression de mon respect.
Antoine Lardon
Président fédéral »