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Reconstruction du barrage des Plats dans la Loire : en ces temps troublés, la transparence ne fera pas de mal

Xavier Pagès - 2013

communiqué au format pdf

En ces temps politiques profondément secoués par l’affaire Cahuzac, les faiblesses de la démocratie représentative « à la française » et de l’organisation de notre espace public remontent à la surface. Et elles recouvrent un champ qui va au delà du seul patrimoine des élus. D’abord, notre classe politique connait-elle bien les problèmes du pays ? Est-elle ouverte aux indispensables transformations ? Constitue-t-elle un microcosme rendant des comptes dans les seules périodes électorales ? La régulation de l’action d’élus croyant pour beaucoup être porteurs exclusifs de l’intérêt général  est-elle suffisante ? Ensuite, l’articulation entre leur action et celle de hauts fonctionnaires qui n’ont pas pour habitude de rendre des comptes est-elle compréhensible ? Les procédures suivies par l’administration sont-elles donc suffisantes, en une période de complexité croissante et bienvenue ?

Autres grandes interrogations : la presse, les médias jouent-t-ils leur rôle ? Recherchent-t-ils avec suffisamment d’exigence la vérité, l’exactitude des faits ? Se contentent-t-ils, par manque d’indépendance, pour d’autres raisons, de relater les seuls affrontements partisans? Contribuent-ils à faire la nécessaire pédagogie du changement, voire de la « métamorphose » chère à Edgar Morin ? Enfin, dans notre démocratie un peu frileuse, la société civile, les ONG, porteuses de compétences et de liens sociaux ont-elles la place qui est la leur dans beaucoup d’autres pays d’Europe ?

Sur les questions écologiques aussi, une transparence nécessaire.

Autant de questions nécessaires, voire vitales. Un besoin de transparence travaille notre société, fatiguée par la répétition monotone de scandales ou de dysfonctionnements qui, certes, ne rejaillissent pas sur l’ensemble des dirigeants, mais montrent que la régulation ne fonctionne pas, ou mal. Les manquements au droit et à l’éthique de certains deviennent d’autant moins supportables que les temps sont difficiles pour une bonne partie des Français, qui comprennent que le modèle républicain doit être révisé. De toute évidence, notre démocratie est confrontée à un problème de renouvellement, de rajeunissement d’une ampleur inédite. Le décalage entre les élites et la population grandit année après année. C’est préoccupant..

Ces questions recouvrent des problèmes écologiques qui intéressent fortement les Français. Pour peu qu’on les informe, nos compatriotes sont prêts à s’impliquer pour transformer leurs modes de vie. Ils ont compris que, comme ailleurs dans le monde, il était nécessaire de réduire leur empreinte écologique, limiter les émissions de gaz à effet de serre, diminuer les flux de déchets, mieux consommer, économiser les ressources, notamment l’eau. Ils ont compris que la République n’est pas toujours à la hauteur de ces enjeux, qu’elle a un grand retard à rattraper. Le Grenellede l’Environnement a été un premier signal fort, mais suivi d’une mobilisation encore faible et d’une gouvernance défaillante.

De la transparence, dans la Loire ? Non : ici, on bétonne la Semène.

L’eau, parlons-en. La gestion nationale passée a montré ses limites : appauvrissement de la biodiversité, baisse de la qualité des eaux de surface, contamination par les nitrates, les PCB et les pesticides, rivières à sec suite aux excès de l’irrigation. Divers rapports (du député Lesage, du Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable) sont en cours de réalisation pour évaluer les manques de résultats, les défaillances, proposer des améliorations.

Cette évaluation est particulièrement nécessaire pour le département de la Loire, où quelques élus viennent de lancer la reconstruction d’un grand barrage aussi inutile que coûteux, le barrage des Plats. Cet ouvrage, édifié en 1958 sur la Semène, pour l’alimentation en eau potable avait été percé en 2006 pour des raisons de sécurité. Les services techniques de l’Agence de l’Eau Loire Bretagne, des collectivités territoriales, du ministère de l’écologie s’étaient opposés à sa reconstruction, les alternatives pour l’alimentation en eau potable existant déjà. Pourtant, suite à un processus d’une opacité exceptionnelle, la préfecture de la Loire a déclaré cet ouvrage d’utilité publique en mai 2012. Ainsi, il est possible en France, en 2013, d’imposer sans débat, la reconstruction d’un ouvrage situé dans un Parc NaturelRégional, celui du Pilat, sur la plus belle rivière de la Loire, où vit encore la rarissime moule perlière. C’est normal ? Digne d’une démocratie fonctionnelle ?

Le Président de la République a parlé, durant sa campagne, d’une « République exemplaire ». Dans la Loire, elle ne l’est pas, loin de là. Elle irait même plutôt dans le sens de la « république bananière » où les intérêts particuliers prévalent sur l’intérêt général. Depuis 12 ans, un collectif d’une dizaine d’ONG, le Collectif Loire Amont Vivante travaille pour que la transparence irrigue enfin les processus de décision locaux, comme cela se fait ailleurs en Europe, comme cela se fait ailleurs sur le bassin de la Loire. Le collectif regroupe des pêcheurs, naturalistes, consommateurs expérimentés : sur la question des Plats, ils ont été oubliés. C’est « normal » ? Digne d’une démocratie fonctionnelle ?

Il nous faut, ensemble, « changer les règles du jeu ». Il est incongru que, dans le département qui porte le nom de la Loire, traversé par un fleuve qui a lancé le Plan Loire Grandeur Nature, programme pilote à l’échelle internationale de « gestion durable » d’un fleuve, quelques élus et agents des services de l’Etat continuent d’agir en toute opacité.

Nous demandons l’arrêt du chantier, un moratoire de trois ans et la remise à plat exemplaire du dossier.

Contacts.

Antoine Lardon Président de la Fédération de Pêche de Haute-Loire Tél. 06 07 16 42 79 antoine.lardon@wanadoo.fr

Alain Bonard Frapna Loire Tél. 04 77 41 46 60 bonard.alain@gmail.com

Roberto Epple Président ERN-SOS Loire Vivante Tél. 04 71 05 57 88 roberto.epple@rivernet.org

Martin Arnould WWF Chargé de programme « rivières vivantes » Tél. 06 15 41 68 62 marnould@wwf.fr

Jean Luc Cometti Club de Pêche Sportive Forez Velay Tél. 04 77 34 02 91 contact@cpsfv.org

Solange Ménigot. CDAFAL Tél. 04 77 33 98 08 cdafal42@free.fr